Cette année, près de 5 millions d’élèves dans le monde participeront à la 35 ème semaine de la Presse et des médias dans le monde. Un rendez-vous qui a pour but d’éduquer la jeunesse à l’information. “Un enjeu démocratique” insiste Nicole Belloubet, ministre de l’Education nationale.
Dans la prestigieuse maison de la radio, le cœur battant des médias, les membres du CLEMI - le Centre pour l’Education aux Médias et à l’Information - lancent pour la 35 ème fois la Semaine de la Presse et des Médias à l’Ecole (SPME) “C’est une grande action éducative que nous proposons, car les jeunes doivent comprendre les enjeux de l’information” insiste Serve Barbet, directeur du CLEMI. A l’heure où 4,7 millions d’élèves et 290.000 enseignants et encadrants des Lycées de France et du monde participent à ce grand rendez du 18 au 23 mars 2024 sous le thème de “l’info sur tous les fronts”, lepetitjournal.com s’interroge : Pourquoi il est si important d’éduquer et s’éduquer aux médias et à l’information ?
“Grâce aux réseaux sociaux, nous pouvons tous être un média : nous postons une photo sur notre compte et relayons ainsi une information”.
Parce qu’il faut savoir ce qu’est une fake news et développer son esprit critique
Mathis, Mikaël et Younesse, trois lycéens lyonnais, sont venus mettre des mots sur la fake news lors du lancement de la SPME le 11 mars 2024 à la maison de la Radio : “Grâce aux réseaux sociaux, nous pouvons tous être un média : nous postons une photo sur notre compte et relayons ainsi une information”. Youness rappelle tout de suite qu’il ne faut pas prendre le contenu pour une information fiable d’emblée : “il faut vérifier sa source. Instagram n’est pas une source, c’est le photographe de la photo, le journaliste ou le média qui l’est” renchérit Mathis.
Ne pas être qu’un simple consommateur de médias mais un citoyen averti.”
Jacques Gonnet, fondateur du CLEMI insiste sur l’importance de ne pas prendre une information pour argent comptant en racontant une anecdote : “ Il y a environ un siècle, dans une petite ville du Sud de la France, un journaliste écrit un jour une information sur la pollution d’un cours d’eau. Non loin de là, dans une classe, un enfant explique à son professeur que l’origine de la pollution évoquée dans l’article est fausse. Le professeur décide de mener l’enquête avec sa classe. La source de la pollution s’avère en effet différente et un média publie cette nouvelle information”. Que retenir ? Que même face à une personne de confiance, il faut savoir garder son esprit critique, monter au créneau, faire valoir une vérité que l’on peut prouver et dire tout haut qu’il y a un doute ou un désaccord. Et aujourd’hui, plus que jamais : “Nous sommes ultra connectés. Ce n’est pas forcément négatif, il y a d’excellentes sources d’informations et de bons outils mais il y en a aussi qui ne sont pas neutres” explique Nathalie Sonnac, membre du CLEMI. “L’éducation des médias et de l’information que vont vivre les élèves va permettre justement d’interpréter l’information. Ne pas être qu’un simple consommateur mais un citoyen averti.”
Tous les jours, il nous arrive en pleine figure un nombre incalculable d’images.
Parce que les médias, les informations ou les images peuvent être manipulées
Sonia Devillers anime tous les soirs l’émission sur Arte le dessous des images : “Tous les jours, il nous arrive en pleine figure un nombre incalculable d’images. Nous avons choisi d’en expliquer une tous les soirs pendant 10 minutes : d’où vient-elle ? Qui la crée ? Quel est le message, ? Pourquoi a-t-elle créé un (bad) buzz ? Il faut savoir prendre du recul pour découvrir la véracité et l’histoire d’une image.” La journaliste s’appuie notamment sur une vidéo d’avalanche, rappelant le danger de la montagne ou une photo de l’AFP prise lors d’un événement exceptionnel de pollution à New York, évoquant ainsi la réalité du changement climatique. L’image a, en quelque sorte, un super pouvoir “qui vaut parfois 1.000 mots” dit-on souvent. Mais elle peut être aussi virtuelle, retouchée, recadrée ou sortie de son contexte. Il existe des outils aujourd’hui pour déceler une fausse image, ou du moins une image qui apporte une fausse information. Par exemple, l’IA aujourd’hui a encore des lacunes pour créer des mains humaines. “Face à une image, il faut continuer à ouvrir l'œil et ne pas hésiter à se poser des questions. Il existe des journalistes spécialisés dans le domaine d’ailleurs” commente Estelle Faure, journaliste chez FranceInfo.
Sait-on vraiment ce qu'il peut se cacher derrière l’information ? Une entreprise, un créateur de contenus, un algorithme ?
Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières met en garde contre l’influence : “Nous avons tous l’habitude de parler de ce que nous avons vu, lu, écouté. Il s’agit parfois d’une information issue de médias mais aussi d’influenceurs, d’associations, d’entreprises etc… Sait-on vraiment ce qu'il peut se cacher derrière l’information ? Une entreprise, un créateur de contenus, un algorithme ? Il y a un danger. Être éduqué, le plus tôt possible, à ce danger d’être manipulé ou influencé est un véritable enjeu.”
Lutte contre la désinformation : l’UNESCO sur le fil pour protéger l’info
Parce qu’il y a des enjeux démocratiques et de liberté à être bien informé
Nicole Belloubet, ministre de l’Education nationale en a bien conscience : “les mondes numériques et les écrans prennent de plus en plus de place; les enfants passent en moyenne 3h devant les écrans. Nous nous devons d’éveiller les capacités d’analyse, former l’autonomie du jugement et aider les jeunes à faire le tri dans toutes les informations qui leur parviennent. Et plus encore, nous nous devons de leur inculquer la liberté d’expression, qui a un lien indissoluble avec la démocratie.” Evoquée précédemment, la bousculade d’informations (notamment des réseaux sociaux, source majoritaire des 15-34 ans aujourd’hui) accentue le risque de l’influence, la fausseté ou la manipulation et donc, à plus grande échelle, une démocratie toute entière.
Concluant l'événement en insistant sur le fait que l’information n’est plus seulement un contenu, mais aussi un produit et même une arme pour certains, Nicole Belloubet rappelle que la régulation et la législation doivent répondre à cette menace, en plus de l’éducation. Il faut agir sur tous les fronts.